Illustration générée par Oriane Girard à l'aide de l'outil DALL·E avec la commande « 3D render of anthropozoomorph creatures philosophizing about immaterial objects »
La nouvelle équipe d’organisation du séminaire inter-laboratoire d’anthropologie d’Aix-Marseille, constituée de Flo Boux (EHESS/Centre Norbert Elias, Université de Liège), Mark Collins (AMU/Credo), Oriane Girard (AMU/Idemec) et d’Arielle Noy Gsell (AMU/Irasia), appuyés par Giulia Fabbiano (AMU/Idemec) et Frédéric Saumade (AMU/Idemec, en détachement au CNRS cette année), a le plaisir de vous présenter l’édition 2022-2023 du Silaam. En plus de ces quatre laboratoires représentés dans l’équipe d’organisation du séminaire, l’Imaf et le LPED participent également à cette édition.
La thématique générale retenue pour cette édition est la suivante : « (Im)matérialités » : objets, concepts et terrains en sciences sociales. Le séminaire est organisé en deux journées, elles mêmes subdivisées en demi-journées, qui chacune auront une thématique plus spécifique.
La première journée aura lieu le 27 janvier 2023 dans la salle Meltem du Mucem à Marseille. Elle est intitulée « Dématérialiser » et s’organise ainsi :
– Sous-axe du matin : (Im)matérialités environnementales : étudier le rapport de l’humain avec son milieu
– Sous-axe de l’après-midi : Mondes numériques, humanités numériques : la dématérialisation en question
La deuxième journée aura lieu le 31 mars 2023 en salle Duby à la Maison méditerrannéenne des sciences de l’homme à Aix-en-Provence. Elles est intitulée « Re-matérialiser » et s’organise ainsi :
– Sous-axe du matin : Regards croisés sur les processus de collecte et de patrimonialisation
– Sous-axe de l’après-midi : Matérialiser l’immatériel dans la recherche : médiation et diffusion
Résumé de l’argumentaire
Le matériel face à l’immatériel, l’artefact face à la pensée, l’objet face au sujet, la res extensa (chose matérielle) face à la res cogitans (chose pensante) : il s’agit là de certains des grands dualismes qui ont structuré les débats intellectuels, depuis la philosophie antique jusqu’à la science contemporaine, en occident et bien au-delà. Ces dualismes ont également exercé une influence considérable sur l’anthropologie, et continuent de le faire. Les anthropologues ont en effet montré que les sociétés humaines, malgré la diversité de leurs incarnations et formes, organisent très souvent leur pensée dans des schèmes dualistes suivant des lignes comparables, tout en mettant en garde sur le fait que ces lignes de partage ont donc précisément un caractère situé, relatif à un contexte historique, social et culturel. Plus largement, les sciences humaines et sociales ont étudié les imbrications de l’immatériel et du matériel, les questionnant, les opposant, les rapprochant, les distinguant ou les rejetant par de nombreuses approches complémentaires.
« Dématérialiser »
Un premier axe de réflexion invite à interroger les processus de « dématérialisation » qui opèrent dans l’ethnographie, et sur les terrains des ethnographes. Cela, en deux sous-axes :
1) (Im)matérialités environnementales : étudier le rapport de l’humain avec son milieu
Puisque la pensée, la sociabilité et les affects qui constituent certains des objets privilégiés de l’anthropologie s’opposent, du moins en apparence, à la matérialité de l’environnement, du milieu, des pays et territoires où vivent ces populations, nous proposons dans le premier des quatre volets de cette discussion, de questionner la matérialité et l’immatérialité au prisme des relations entre êtres humains et environnement. Quelles dimensions immatérielles les différentes populations rencontrées par les ethnographes prêtent-elles à leurs environnements respectifs ? Quelles interrelations et quels échanges ont lieu entre les deux domaines, notamment à des moments pivot tels que les rites funéraires, ou dans le champ religieux, au sens large ? Suivant quelles modalités des dimensions immatérielles sont-elles perçues dans la matérialité des éléments de l’environnement ?
2) Mondes numériques, humanités numériques : la dématérialisation en question
Dans un deuxième volet, nous aimerions interroger l’immatérialité et la matérialité du numérique, et plus largement la « virtualité » dans l’ethnographie. Ce volet appelle à des interventions relevant plus ou moins directement des « humanités numériques », devenues d’autant plus pertinentes dans le sillage de la pandémie de Covid-19. Il vient questionner l’épistémologie même des relations sociales et ethnographiques médiées par des outils numériques. Sur quelles formes de matérialité et d’immatérialité ces outils reposent-ils ? Quelles nouvelles matérialités et immatérialités engendrent-ils ? Dans quelle mesure ce dualisme est-il remis en cause ou renforcé par les développements et évolutions contemporains de la sociabilité numérique ?
« Re-matérialiser »
Dans un second axe de réflexion, il s’agira d’interroger les « re-matérialisation », ou les processus qui tendent à rendre perceptible « l’immatériel ». Cela, de nouveau, en deux sous-axes :
3) Regards croisés sur les processus de collecte et de patrimonialisation
Dans le troisième temps de ce séminaire, nous souhaitons nous pencher sur les enjeux liant (im)matérialités et patrimonialisation, qu’il s’agisse de collecte, classification, conservation ou encore mise en exposition. Nous nous demanderons ainsi : quel rôle joue l’anthropologie face aux définitions et pratiques institutionnelles liées au patrimoine immatériel, mais également aux formes de résistance qui les remettent en question ? En quoi l’institutionnalisation de la notion de « patrimoine immatériel » a-t-il rebattu les cartes – ou au contraire constitue-t-il une continuité – pour les anthropologues ?
4) Matérialiser l’immatériel dans la recherche : médiation et diffusion
Dans le quatrième et dernier temps, il s’agira de questionner la matérialité et l’immatérialité dans les projets et initiatives de partage, de diffusion et de vulgarisation de la recherche anthropologique. Quelles formes de « médiations (im)matérielles » voit-on émerger dans ce cadre ? Comment donner accès à des dimensions « intangibles » ou « immatérielles » de la recherche ? Quels outils et quelles démarches peuvent permettre de « rendre matérielle la part d’immatériel » de la recherche ethnographique ? Plusieurs questions transverses émergent donc de cette réflexion : dans quelle mesure la dichotomie matériel/immatériel est-elle présente dans nos travaux de recherche anthropologiques ? Dans quelle mesure peut-on la considérer comme un universel ? Fait-elle sens, par exemple, pour les personnes auprès desquelles nous enquêtons ou bien au contraire ces personnes ont-elles d’autres lignes de partage de leurs cosmos, de leurs univers ? Quelle matérialité et quelle immatérialité caractérise l’ethnographie – entendue comme la phase de production de données du travail anthropologique – puis la réflexion anthropologique ? Mais encore : quelle place fait-on à la matérialité et à l’immatérialité au moment d’envisager la communication, et éventuellement la diffusion ou la restitution du travail anthropologique ?
- Un fichier PDF comportant l’argumentaire complet peut également être téléchargé ici : Argumentaire SILAAM 2022-2023
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
markcollins (5 décembre 2022). « (Im)matérialités » : Objets, concepts et terrains en sciences sociales — Présentation. Séminaire interlaboratoire d'anthropologie d'Aix-Marseille. Consulté le 21 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/u6g4